État des récifs coralliens : le nombre affecté par la mortalité
Le nombre a de quoi faire vaciller les certitudes : plus de 70 % des grands récifs coralliens de la planète sont aujourd’hui touchés par le blanchissement, un chiffre trois fois supérieur à celui observé dans les années 1980. Aucun océan, aucun bassin, des tropiques aux marges subtropicales, n’échappe à la vague.
Les épisodes de mortalité s’enchaînent, touchant même des espèces réputées robustes il y a encore peu. Pour les chercheurs, l’ampleur et le rythme des perturbations dépassent désormais ce que les coraux peuvent encaisser. Les mécanismes d’adaptation, autrefois garants de leur survie, semblent dépassés par l’accélération des dérèglements.
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Blanchissement des coraux : un signal d’alarme pour la biodiversité marine
Le blanchissement des coraux n’est plus une anomalie locale : à 1,4°C de réchauffement de la planète, le phénomène est devenu la règle. Soumis à un stress thermique extrême, les coraux expulsent leurs zooxanthelles, ces microalgues vitales qui leur fournissent énergie et couleurs. Privés de leurs alliées, les coraux perdent leur teinte avant de mourir en quelques semaines. Selon les chiffres publiés depuis 2009, 14 % des récifs coralliens tropicaux se sont déjà effondrés. La biodiversité marine s’effrite à vue d’œil.
Les récifs coralliens couvrent à peine 0,2 % de la surface des océans, mais ils hébergent près d’un quart des espèces marines connues. Leur fonction de refuge est capitale : poissons, crustacés, mollusques et quantité d’animaux emblématiques y trouvent abri pour se nourrir ou se reproduire. En Australie, la Grande Barrière de Corail a perdu plus de la moitié de ses coraux entre 1987 et 2014, une perte qui résonne dans tout l’écosystème marin.
Les chiffres les plus récents dressent un constat sans appel :
- 44 % des espèces de coraux bâtisseurs de récifs sont désormais inscrites sur la Liste rouge de l’UICN.
- Un récif profond découvert récemment au large de Tahiti résiste, pour l’instant, au blanchissement, protégé par sa profondeur et une lumière atténuée, une rare lueur d’espoir.
Les conséquences ne se limitent pas à la faune marine : la santé des récifs conditionne aussi l’équilibre des pêcheries, la stabilité des littoraux, voire l’alimentation de millions de personnes. Chaque nouvelle vague de blanchissement ajoute à la pression sur la biodiversité des récifs, rapprochant certaines espèces d’une disparition définitive.
Quelles sont les causes majeures de la mortalité des récifs coralliens aujourd’hui ?
Le réchauffement climatique s’impose comme le principal facteur de déstabilisation. Quelques dixièmes de degré en plus suffisent à déchaîner le processus : les coraux, déjà fragilisés, expulsent leurs zooxanthelles dès que la température de l’eau grimpe au-delà de leur seuil de tolérance. Les années marquées par El Niño aggravent encore ce stress, provoquant des vagues de chaleur marines qui dévastent des colonies entières. La barre symbolique de 1,5°C de réchauffement est désormais considérée comme une limite à ne pas franchir pour éviter la disparition massive des récifs.
La pollution ne fait qu’ajouter à la pression. Les déversements d’eaux usées, la présence croissante de déchets de mer, dégradent la qualité de l’eau, favorisent les maladies et la prolifération d’algues envahissantes qui étouffent les coraux. L’acidification des océans, conséquence directe de l’augmentation du CO2 atmosphérique, bouleverse leur capacité à fabriquer leur squelette calcaire, freinant leur croissance et leur régénération.
À ce cocktail de menaces s’ajoutent la surpêche, la pression touristique incontrôlée et les attaques de prédateurs, telle l’étoile de mer Acanthaster planci. Dans les zones peu profondes, une exposition accrue au soleil intensifie le stress des coraux. Face à cette accumulation de dangers, le constat est clair : les épisodes de blanchissement sévère se multiplient, affaiblissant un peu plus chaque année la résistance naturelle des récifs.
Préserver et restaurer les récifs coralliens : pourquoi chaque action compte
Le rôle écologique des récifs coralliens va bien au-delà de l’émerveillement face à leur beauté. Leur présence, discrète à l’échelle des océans, est pourtant centrale : près d’un quart de la biodiversité marine en dépend. Leur effondrement ne condamnerait pas seulement des milliers d’espèces marines, mais aussi de nombreuses communautés côtières qui vivent de la pêche ou du tourisme. Les coraux protègent les rivages contre l’érosion, stabilisent les fonds marins, stockent du carbone et jouent un rôle dans la régulation du climat.
Dans ce contexte, chaque avancée pèse dans la balance. Réduire les émissions de gaz à effet de serre demeure la priorité, comme le rappellent les textes de l’Accord de Paris ou les orientations du Programme des Nations unies pour l’Environnement. S’équiper en énergies renouvelables, privilégier des véhicules électriques ou installer des pompes à chaleur, voilà autant de leviers concrets à grande échelle. Sur le terrain, la surveillance pilotée par le Réseau mondial de surveillance des récifs coralliens (GCRMN) et l’action de l’UNESCO via le programme One Ocean permettent d’affiner les stratégies de préservation, en s’adaptant à la réalité de chaque récif.
Services rendus par les coraux
Voici quelques exemples concrets de ce que les récifs apportent :
- Ils forment une barrière naturelle qui limite l’érosion des côtes.
- Ils servent d’habitat à des milliers d’espèces marines, véritables nurseries de l’océan.
- Ils représentent une source alimentaire vitale pour des millions d’êtres humains.
- Ils participent au stockage du carbone et à la régulation des cycles biogéochimiques marins.
Ralentir la spirale du déclin suppose une mobilisation mondiale, des grandes décisions politiques aux actions de terrain. Des solutions existent, mais c’est l’engagement collectif, à tous les niveaux, qui décidera si ces bastions de vie pourront encore demain, scintiller sous la surface.
